Certes, la présidente de la région Poitou-Charentes n'a pas réussi au final à s'emparer des rênes du PS. Elle a, sans doute, tout lieu de s'en féliciter... Et sans doute vaut-il mieux pour elle perdre de 102 (ou 4, ou 30, ou 60) voix que l'emporter au finish avec une marge similaire.
Doute persistant
D'abord parce que, quelle que soit la décision ultime des instances du PS, l'étroite victoire arithmétique de Martine Aubry ne dissipera pas le doute persistant qui plane sur la sincérité du scrutin. Et ce d'autant plus que les partisans de la maire de Lille, eux-mêmes, l'ont entretenu en accusant à leur tour ceux de Royal de fraude dans quelques fédérations comme la Guadeloupe ou celle des Français de l'étranger.
Si les deux camps ont triché, comment en conclure que le succès sur le fil de l'un des deux serait irréprochable ? Ségolène Royal l'a compris puisqu'elle réclame un nouveau vote même dans le cas, peu probable, où la direction du PS lui accorderait une maigre marge de quelques dizaines de voix.
Ensuite, une fois confirmée à son poste de Premier secrétaire, les difficultés commenceront pour Martine Aubry. La maire de Lille va se retrouver à la tête d'une majorité hétéroclite qui n'a cessé de se combattre depuis trois mois et qui n'avait pas même réussi à se mettre d'accord sur un candidat commun à Reims pour porter haut l'étendard du « TSR » (« Tout sauf Royal »).
Ensemble ?
Comment fédérer une majorité qui va du « social-libéral » Bertrand Delanoë, tant décrié par Aubry pendant sa campagne, à Benoît Hamon, qui prétend remettre en cause le libre-échange ? Comment faire travailler ensemble et dans le même sens le si centriste Jean-Paul Huchon et la si « gauchiste » Marie-Noëlle Lienemann, Pierre Moscovici et Gérard Filoche, ou encore l'europhile Harlem Désir et le noniste Henri Emmanuelli ?
Dès que tous les sujets non tranchés sous le long règne immobile de François Hollande reviendront à la surface (la question européenne, le rapport à la mondialisation, la réforme fiscale, etc.), les mêmes clivages et les mêmes affrontements réapparaîtront.
La tâche sera d'autant plus délicate pour cette majorité, fragile et disparate, qu'elle compte déjà pas moins de cinq présidentiables dans ses rangs : Dominique Strauss-Kahn, Laurent Fabius, Bertrand Delanoë qui n'a pas renoncé, François Hollande qui entend prendre du recul pour mieux viser 2012, et Martine Aubry elle-même qui ne tardera pas à avoir l'Elysée en tête. Sans compter d'éventuelles vocations juvéniles qui ne demandent qu'à fleurir (Hamon, Moscovici, Montebourg, etc...).
Leadership
En refusant de trancher la question du leadership dès ce congrès de Reims, les socialistes se sont offert des lendemains qui déchantent. Et encore au moins trois ans de querelles d'ego, jusqu'à la désignation du candidat pour 2012 par un nouveau... vote des militants.
Enfin, ultime épreuve pour Martine Aubry, le feu électoral, nourri en 2009 comme en 2010, qui promet d'être délicat à affronter. Les européennes de juin prochain comme les régionales du printemps suivant seront des tests particulièrement délicats pour le PS au vu de ses performances exceptionnelles du crû 2004 : près de 30% des voix aux européennes et la conquête de 20 régions sur 22.
Pour toutes ces raisons, on comprend mieux que Ségolène Royal a sans doute intérêt à se tenir à l'écart d'un appareil décrépi et d'un parti desséché. Et ce d'autant qu'elle n'était, paraît-il, guère profilée pour mettre les mains dans le cambouis de la tambouille interne, comme le répétaient ses adversaires.
Stratégie extérieure au parti
L'ex-candidate a tout intérêt à faire prospérer sa petite boutique en consolidant une sorte de parti dans le parti, un pied dedans, un pied dehors, avec ses réseaux Désirs d'avenir, ses équipes, ses bureaux, ses fêtes de la Fraternité, ses visites d'usines et son lien à la population entretenu par de savantes apparitions médiatiques. Bref, peaufiner cette stratégie d'opinion, extérieure au parti, qui a fait sa fortune depuis trois ans.
En s'arc-boutant sur ses quelques voix d'avance, Martine Aubry peut apparaître, aux yeux de l'opinion, comme une « mauvaise gagnante », en recourant à la justice de la République, c'est Ségolène Royal qui deviendrait une "mauvaise perdante".
Pourtant, aujourd'hui, c'est bien Ségolène Royal qui a gagné, seule contre tous avec une motion en tête le 6 novembre, et un résultat remarquable le 20.
Bravo et merci.
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